Jacques Terpant : « Garder le ton de Raspail »

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Quand il adapte Jean Raspail, Jacques Terpant cherche d’abord à être le plus fidèle possible à l’univers de l’écrivain explorateur. Après les trois tomes de « Sept cavaliers », il s’attaque désormais au « Royaume de Borée » et ses mystères oniriques.

C’est votre deuxième adaptation d’un livre de Jean Raspail. Qu’est-ce qui vous plait dans son écriture ?
Jacques Terpant. Jean Raspail est un « créateur de mondes » comme Tolkien en fantasy ou Giono en littérature classique. Lorsqu’ils regardent et décrivent le monde, ce dernier prend un sens. Quand Giono décrit la haute Provence, ses paysages sont presque fantastiques. Jean Raspail fait partie de cette trempe d’écrivains. Il installe un univers. C’est l’idéal pour la bande dessinée.

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Comment avez-vous choisi son roman « Les royaumes de Borée »? Est-ce par rapport au plaisir de lecteur ou plutôt par sa facilité à être adapté en images ?
J.T. Ce fut d’abord un plaisir de lecteur. C’est l’un de ses derniers romans et il concentre son univers et de ses thèmes : la place de l’homme dans l’histoire, la transmission, les peuples premiers face au monde occidental. Ensuite, les lieux, les décors, la diversité des époques me tentaient beaucoup graphiquement. Mais il n’était pas simple à adapter en BD et j’ai d’ailleurs dû faire des changements comme par exemple le narrateur qui arrive au début de la BD alors qu’il n’apparait que dans la dernière partie du roman.

Ce livre vous offre de nombreux paysages dans une nature vierge. C’était excitant pour vous en tant que dessinateur ? C’est un plaisir particulier, différent que de dessiner des personnages ou des scènes de vie ?
J.T. Oui cela joue en général. La nature a toujours une place importante dans mes livres. Je dis souvent qu’il ne faut pas compter sur moi pour une aventure qui se passe dans des bureaux à Manhattan ou dans un trois-pièces en Seine Saint-Denis. Même si cela ne me déplairait pas, je ne me vois pas y passer des albums complets. Mais je ne dissocie pas pour autant les scènes de nature des « scènes de vie ». Disons que je préfère quand la vie s’invite dans cet univers là.

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Est-ce qu’il était important pour vous d’utiliser au maximum les mots de Jean Raspail ? Quand on adapte le roman d’un écrivain, c’est presque un devoir ?
J.T. En ce qui concerne Raspail, je trouve qu’il est important que l’on retrouve son ton. C’est ce qui donne la musique de l’album. Lorsque pour les besoins de l’album, je dois écrire des textes qui n’existent pas dans le roman, j’essaie de coller au maximum à l’esprit. Avec humour, Raspail appelle cela du Raspan ou du Terpail.

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Le narrateur, qui est un personnage contemporain qui raconte l’histoire, semble avoir un rôle à jouer dans cette série. C’était aussi dans le livre de Jean Raspail ?
J.T. C’est dans le livre, mais il apparaît plus tardivement. Je m’en suis servi pour structurer le livre et servir de fil rouge entre les quatre albums et les quatre époques. Cette structure existait déjà dans le roman, mais de façon moins évidente.

Ce premier tome dévoile plusieurs mystères, mais propose aussi une histoire complète. C’est la structure idéale pour une série BD aujourd’hui ?
J.T. Je le crois effectivement. Le public ne veut pas attendre un an avant de savoir la suite d’une aventure. Il est très difficile de lancer des séries à suite sur du long terme. En plus ce n’est pas mon goût. Paradoxalement, il est presque encore plus dur de mettre en place des albums de type one shot, car la diffusion dans ce domaine est très frileuse. Nous sommes en pleine mutation en ce moment. On voit que les éditeurs de BD cherchent l’équivalent du roman, essayent de se libérer du coté à suivre de la BD (qui les oblige à financer le temps des auteurs), mais que le public reste attaché au format classique. En proposant des séries de trois ou quatre tomes qui forment un tout, je suis un peu dans un format intermédiaire. D’autant plus que les quatre titres du « Royaume de Borée » font « famille » avec les trois tomes de « Sept cavaliers ».

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Chaque tome va changer d’époque et vous obliger à changer tous vos décors ou costumes. C’est plus stimulant que d’enchaîner plusieurs albums avec le même univers graphique ? Est-ce que l’une de ses périodes vous excite plus que d’autres ?
J.T. Oui, c’est plus stimulant. Les longues séries, dont j’avoue ne pas avoir d’expérience, me tentent moins que de me plonger dans un nouvel univers à chaque fois et devoir changer de costumes ou d’architecture. Concernant les périodes, je n’ai pas de préférence marquée, sauf pour le changement.

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Est-ce que Jean Raspail vous a laissé carte blanche ?
J.T. Une carte blanche totale depuis les trois premières planches de « Sept cavaliers ». Ce jour-là, il m’a dit : « Vous êtes dans ma tête ! »

Propos recueillis par Emmanuel LAFROGNE

« Le royaume de Borée » par Jacques Terpant, d’après le roman de Jean Raspail. Delcourt. 13,95 euros.

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