Laurent Granier: « Une série réaliste sur les Incas »

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C’est en marchant sur la grande route inca que Laurent Granier a imaginé cette série prévue en cinq tomes, où le destin d’un petit garçon va influer la grande Histoire. Très instructif, ce premier tome d' »Inca » nous apprend beaucoup de choses sur cette civilisation finalement assez méconnue.

Plus qu’un scénariste de BD, vous êtes un spécialiste des Incas…
Laurent Granier.
J’ai vécu en Colombie et beaucoup voyagé en Amérique latine. C’est ma terre de prédilection. Pour mon activité principale qui est de faire des films pour la télévision, je monte depuis treize ans des expéditions et des projets d’aventure dans le monde. J’ai réalisé une dizaine de documentaires ainsi qu’une dizaine de livres de photos. L’une de mes dernières expéditions a été de faire les 6.000 km de la grande route inca, candidate à une inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Je me suis dit que c’était un cadre rêvé pour un scénario de fiction et, tout en marchant, j’ai réfléchi à cette histoire.

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Comment en êtes-vous arrivé à la BD ?
L.G.
C’était un vieux rêve de môme. Mes deux grandes passions sont en effet l’aventure, les voyages et la bande dessinée. Depuis longtemps, j’avais ce désir de connecter ces deux wagons. C’est ce que j’ai fait avec « Inca ». Passer d’un monde à l’autre s’est en plus révélé très complémentaire.

La BD parle souvent des Incas en y mêlant beaucoup de fantastique mais rarement sous l’angle purement historique…
L.G.
C’est en effet la première bande dessinée réaliste et historique sur les Incas. Au fur et à mesure que je découvrais le Machu Picchu, Cuzco et tous ces sites archéologiques incas, j’avais envie de les recréer. On a beaucoup travaillé avec LF Bollée sur les photos prises durant mes voyages, mais aussi sur des plans d’architecture des sites. On a aussi fait des recherches sur les vêtements, les maisons,… Un vrai travail de fond pour recréer ce monde inca de manière réaliste.

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Comment avez-vous travaillé avec LF Bollée pour l’écriture de ce scénario ?
L.G.
J’ai écrit la trame générale des cinq tomes puis j’ai fait un découpage. Comme je n’avais jamais fait de fiction, je me suis fait aider par LF Bollée, qui a changé des petites choses. Je me sentais un peu novice et avais besoin de cette aide. On travaille aussi comme cela sur le tome 2. J’écris tout et il repasse derrière pour affiner. C’est très agréable de travailler à quatre mains.

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Est-ce qu’il est compliqué de proposer une histoire réaliste et facilement compréhensible, instructive sans être ennuyeuse ?
L.G.
L’idée était d’avoir d’un côté la Conquista à partir du moment où les Espagnols découvrent l’océan Pacifique et de l’autre l’histoire du peule inca. On ne sait pas forcément que les Conquistadors sont arrivés dans un pays à feu et à sang parce qu’il y avait une énorme guerre civile entre deux grands frères. Ces deux histoires sont vraiment passionnantes et on s’est basé sur les faits historiques pour les raconter. Au milieu, on a ajouté cet enfant qui semble avoir un destin assez unique. Au fil des tomes, sa petite histoire va rejoindre la grande Histoire.



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On a l’impression que cette série va se révéler être une quête d’identité pour ce petit Amaru, qui va emmener le lecteur dans toutes les régions du peuple inca ?
L.G.
On a envie que le lecteur passe un bon moment aux quatre coins de l’Empire inca. C’est un endroit fascinant avec les déserts de sel ou la jungle amazonienne. Ensuite, ce qui m’a toujours fasciné depuis que je suis tout petit, c’est le mythe de l’Eldorado. Cette idée qu’à l’arrivée des Espagnols, toutes les tribus andines, les Incas et les autres, se sont mises à cacher leurs richesses dans des grottes au fin fond de la jungle ou aux sommets des volcans. C’est un mythe assez fascinant. Un autre moins connu parle de la rébellion des rois de Vilcabamba. J’ai beaucoup envie jouer avec cela, peut-être en imaginant une victoire des Incas sur les Espagnols et ce que cela changerait dans l’Amérique latine d’aujourd’hui.

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Il est souvent question de Dieux et de croyances. Cela occupait une place aussi importante dans la vie des Incas ?
L.G.
C’était omniprésent. J’avais envie de parler de cette cosmogonie inca (NDLR : théorie sur la formation de l’univers), beaucoup basée sur le soleil, le Dieu suprême. On va aussi raconter toutes les légendes et les mythes associés à ces Dieux. C’est bon moyen pour découvrir cette civilisation.

Vous montrez des Incas souvent très cruels, notamment avec les sacrifices d’enfants, et belliqueux…
L.G.
Même si cela ne dure pas très longtemps, il y a aussi des moments de calme, sur les îles flottantes par exemple. C’est vrai que l’on est souvent beaucoup dans l’action. Il faut savoir que les Incas se sont développés rapidement, en une centaine d’années seulement avant l’arrivée des Espagnols, et ont asservi un très grand nombre de tribus à la fois du littoral de la cordillère et un peu de l’Amazonie. Il y avait chez Huayna Capac le désir de développer son empire et avait tout le peuple inca à son service.

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Avec « Inca », vous aviez aussi l’envie de dénoncer les actes des Conquistadors ?
L.G.
Mon cœur a évidemment tendance à balancer plus facilement du côté des Incas. Je voulais aussi montrer que les empereurs incas n’étaient pas non plus des enfants de cœur et expliquer comment une poignée d’hommes, sous les ordres de Francisco Pizarro, ont pu rapidement s’emparer d’un empire aussi immense. Cela s’explique par une épidémie de variole qui a ravagé 70% de la population andine selon certains spécialistes et aussi bien évidemment par cette guerre civile que les Espagnols ont utilisée pour dominer l’ensemble du peuple inca.


Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« Inca » (tome 1) par Laurent Granier, LF Bollée et Lionel Marty. Glénat. 13,90 euros.

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