Jean-Charles Gaudin: « Certains dictateurs sont de vrais tueurs en série »

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Dans ce huitième tome des « Arcanes de Midi-Minuit », Jim et Jenna viennent prêter main-forte à des résistants dans leur combat face à un dictateur sanguinaire. De quoi susciter la curiosité des lecteurs en cette période instable dans de nombreux pays. Et ils auront raison, car le scénariste Jean-Claude Gaudin a réussi à créer une BD de genre à la fois divertissante et intelligente.

Cette histoire de révolution d’un peuple contre un dictateur paraît au moment où certains pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient sont en pleine ébullition…
Jean-Charles Gaudin. À travers cet album, je voulais parler de guerres civiles qui secouent bon nombre de pays. Au moment où je le rédigeais, j’avais en tête les événements du Rwanda et de la Côte-d’Ivoire. À cela s’ajoutait le conflit israélo-palestinien. Les événements récents sont venus s’ajouter à ces références.

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Est-ce quelque chose qui peut doper la vente de l’album ?
J.-C.G. À vrai dire, je n’ai pas pensé une seconde que ces « révolutions » allaient booster l’album. J’espère seulement que des critiques pourront y voir matière à réflexion à travers une BD de genre tout public.



Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire sur un régime dictatorial ?
J.-C.G. Je crois que le sujet est venu de mon « agacement » de voir l’attitude des Israéliens vis-à-vis des Palestiniens. Regardez le mur que les Israéliens ont construit, regardez les extensions de colonies, la manière dont ils traitent les Palestiniens. En disant cela, je tiens à dire que je ne cautionne en aucune manière le moindre agissement terroriste.

Pour moi, la paix mondiale repose sur un accord entre ces deux peuples.

Traiter un sujet aussi complexe sur un seul tome ne vous a pas posé de problème ?
J.-C.G. Bien sûr, mais en même temps, je ne voulais pas non plus donner des leçons d’Histoire. Je voulais qu’à travers une histoire à la fois policière et fantastique, le lecteur puisse s’interroger sur les agissements de certains politiciens dans leur pays.



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Dans cette affaire Trinsky, le bureau royal intervient pour négocier avec le dictateur et l’un des personnages explique qu’il faut parfois faire des compromis. C’est quelque chose qu’il était important de rappeler ?
J.-C.G. Si personne ne fait de compromis, c’est forcément l’impasse et l’affrontement. On rend coup pour coup et c’est le plus fort qui finira par l’emporter. Bien sûr, ces compromis doivent être partagés et il n’est pas facile de les faire devant des actes sanglants. On voit combien il est difficile de résoudre des conflits qui durent depuis des générations.



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En plus de l’intrigue politique, vous introduisez un tueur en série. C’était indispensable ?
J.-C.G. Ce n’est pas indispensable en tant que tel, mais ce tueur est pour moi, le symbole du dictateur qui décide de tout et a droit de vie et de mort sur ses sujets. Cela fait de certains souverains de vrais tueurs en série. C’est aussi une manière de dire que des agissements aussi impardonnables sont souvent le fait d’un seul homme.



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Dans cet album, la double personnalité de Jim/Jenna est presque anecdotique. Pourtant, c’est peut-être l’un des meilleurs de la série. Cela veut dire que l’univers et le ton de cette série est encore plus fort que son duo de héros ?
J.-C.G. Avec Cyril Trichet, nous avons décidé de laisser évoluer nos héros et leurs aventures sans décrire encore les racines de leur existence. Nous partons du principe que l’univers des « Arcanes du Midi-Minuit » est suffisamment fort pour que les lecteurs aient envie de découvrir de nouvelles enquêtes, de nouveaux récits et de nouveaux thèmes abordés.

C’est une manière de dire que nous dépendons tous de notre cadre de vie. À nous de savoir nous y mouvoir et de le transformer au besoin.

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Est-ce que vous cherchez à faire évoluer « Les Arcanes de Midi-Minuit » au fil des albums ?
J.-C.G. Nous cherchons surtout à varier les plaisirs. Nous aimons passer d’une intrigue policière à une intrigue fantastique ou sentimentale. Tout lecteur aura un récit préféré comme nous avons un épisode préféré d’une série télévisée. J’aime apporter de la distraction en même temps qu’un début de réflexion sur les événements qui font notre monde actuel. Dans les années 70 et 80, le cinéma de genre était vivifiant, imaginatif et agissait presque en souterrain sur la conscience des gens. C’est en quelque sorte cette tradition que je veux pérenniser à travers mes séries.



Propos recueillis par Emmanuel LAFROGNE

« Les Arcanes de Midi-Minuit », tome 8 « L’affaire Trinski » par Jean-Claude Gaudin et Cyril Trichet. Soleil. 13,50 euros.

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