Dobbs: « Il y a tout dans H. G. Wells »

Passionné par les romans d’H.G. Wells depuis les années collèges, Dobbs a scénarisé les adaptations en bande dessinée de ses quatre romans les plus connus. Les deux premiers tomes de cette nouvelle et excitante collection rappellent que l’auteur anglais est le père de la science-fiction moderne.

dobbs1.jpgQu’est-ce qui vous plait dans les récits d’H.G. Wells ?
Dobbs. L’émotion suscitée lors de leurs lectures et relectures depuis le collège. C’est là que j’ai découvert nombre d’auteurs SF, fantastiques et gothiques qui ont un peu marqué mon imaginaire d’ado et d’adulte. Chez Wells, il s’agit plutôt de récits crus et innovants dont le sous-texte n’apparait qu’avec la maturité du lecteur. Là où Verne s’arrête pour moi à de l’aventure humaine, exotique et technique, Wells enfonce le clou de l’ironie, du social et de la brutalité. Il y a de la souffrance dans les romans de Wells, ils sont profondément humains et pas forcément humanistes.

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Vous n’avez pas choisi d’adapter l’un de ses romans, mais quatre d’entre eux…
D. J’ai commencé par travailler sur « La Guerre des mondes » pour proposer le sujet à Cédric Illand, mon futur éditeur chez Glénat, alors que l’idée de la collection complète n’existait pas encore. Nous avons travaillé avec Vicente Cifuentes, ce qui a permis par la suite que le concept de la collection arrive à maturité, avec le choix des autres romans et des dessinateurs/coloristes qui allaient faire partie de cette aventure éditoriale très riche.



Est-ce qu’il existe un point commun à ces quatre romans ?
D. Tous se focalisent quelque part sur l’idée de supériorité d’une science dangereuse. Les extraterrestres, la chimie, la physique, la biologie, tout ça est très riche y compris dans le traitement différent des protagonistes : explorateur et écrivain sans nom, naufragé et scientifique, ils sont tous des survivants aux prises avec des pulsions et des peurs qu’ils doivent maitriser.



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Avez-vous un faible pour l’un d’entre eux ?
D. 
Mon préféré, dans la focalisation du récit, est l’Homme invisible, car c’est le seul méchant en fait. Il bascule dans la violence et la folie, ce qui provoque une rupture du récit pour adopter le point de vue différent du médecin de campagne qui lui sera opposé. J’ai adoré ça. Certains films et la série TV ont tenté de gommer cet aspect. Ensuite, j’ai un faible pour les atmosphères lourdes et tous les romans de Wells arrivent à générer de belles images mentales de peur et de créatures, notamment « La Guerre des mondes et ses Martiens, « L’île du docteur Moreau » et ses créatures, et « La Machine » avec ses Morlocks.

Certaines histoires comme « La Guerre des mondes » ou « L’homme invisible » sont parfois connues uniquement via leurs adaptations cinématographiques.

Vous aviez à cœur de faire (re)découvrir le texte d’origine ?
D. 
J’ai été pendant 15 ans enseignant en histoire du cinéma, et je découpe mes scenarii de façon très cinématographique, voire référentielle. J’ai essayé justement de ne plus penser à ces adaptations que je connaissais bien pour offrir une version différente, qui restait cependant fidèle aux textes d’origines même si des choix et des raccourcis ont dû être opérés. Donner une vision moderne à ceux qui connaissaient était un des buts de la collection, mais permettre aussi de (re)découvrir Wells et de (re)lire ses romans est ce qui me tenait le plus à cœur !



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Que les quatre albums soient scénarisés par le même auteur permet de donner une vraie cohérence à cette collection…
D. Le but était en effet d’obtenir une cohérence d’ensemble, malgré les approches graphiques différentes, plus ou moins réalistes et stylisées. J’espère que c’est réussi, et que les lecteurs prendront plaisir à la lecture des histoires prises une à une, et aussi dans la globalité d’une collection dédiée. La pagination, les couvertures, la charte graphique, l’approche narrative étaient conçues pour donner cet effet d’homogénéisation et se dire que tous ses récits pouvaient tout aussi bien se passer en simultané dans le même univers. En regardant de près : on a des chercheurs plus ou moins fous qui vont jusqu’au bout de leurs rêves et de leurs obsessions, des hommes qui tendent de survivre à l’hostilité ambiante, une critique sur l’éthique & la science (la vivisection, l’expérimentation…), sur l’évolution de l’humanité, sur la marginalité, sur les limites à ne pas outrepasser…



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Écrites à la fin du XIXe siècle, les histoires de H.G. Wells fonctionnent encore très bien aujourd’hui. Quel est leur secret ?
D. Je dirai que les descriptions et les références scientifiques de Wells sont très poussées afin de rendre crédible cette science-fiction, mais il n’en oublie pas pour autant le côté humain, l’aspect psychologique et social des aventures de ses protagonistes. Il y a tout dans Wells pour qui aime la SF moderne : l’anticipation, la prospective, les utopies, la politique, la technique… C’est un creuset qui a servi pour toutes les grandes thématiques des auteurs qui ont suivi ce pionnier, et celles qui sont surexploitées actuellement au cinéma et à la TV, les nouveaux territoires exploitant ce genre.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« La Guerre des mondes, tome 1 » par Dobbs, Vicente Cifuentes et Matteo Vatani; « La Machine à explorer le temps, tome 1 » par Dobbs et Mathieu Moreau. Glénat. 14,50 euros.

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