UN AMERICAIN EN BALADE

Après le très sensible « Blankets », Thompson s’essaye au carnet de voyages . Une balade sur le Vieux Continent à la grande force graphique qui touchera les amateurs de récits intimistes.

« Ceci n’est pas le « nouveau Craig Thompson », mais plutôt un projet à part, sans prétention, un simple carnet de voyage dessiné alors que je séjournais en Europe et au Maroc du 5 mars au 14 mai 2004″ explique l’auteur du très remarqué « Blankets » (Grand Prix de la Critique de l’ACBD en 2004, nominé pour le meilleur premier album à Angoulême).

En ouvrant « Un Américain en balade », on retrouve la même aisance du dessin et la même sensibilité que dans « Blankets ». Mais attention, la présentation n’est pas celle d’une véritable bande dessinée. L’Américain a suivi la voie de plusieurs auteurs phares de la maison d’édition l’Association comme Sfar et Trondheim passés maîtres dans ce genre de carnets de bord (« Harmonica », « Piano », « Carnet de bord », etc). Les 222 pages que compte l’ouvrage sont donc une succession de croquis – portraits, paysages ou retranscriptions graphiques de situations vécues – dessinés chronologiquement de Paris à Barcelone en passant par le Maroc et la Suisse.

La somme des pays visités et le nom de « Carnet de voyages » que Thompson donne lui-même à son oeuvre dans la préface sont trompeurs. Car Thompson est un « mauvais voyageur ». Comme il le dit lui-même, l’auteur a du mal à s’intéresser à certaines visites touristiques et plutôt que d’aller sans cesse à la rencontre des gens, il préfère souvent se réfugier dans sa chambre d’hôtel. Plus qu’un carnet de voyage, il s’agit surtout d’un journal intime.
Craig Thompson y raconte ses retrouvailles avec ses amis (Blutch ou Lewis Trondheim notamment dont on découvre d’ailleurs la splendide maison du côté de Montpellier et son goût pour les restaurants quatre étoiles!), ses angoisses, ses bobos (pied foulé, arthrite dans une main, tourista, etc), sa détresse sentimentale (sa petite-amie l’a quitté avant le départ). Bref, une accumulation de petits riens qui rend l’ouvrage forcément nombriliste (l’auteur se traite lui même de « touriste stupide », égocentrique). Et il faut bien l’avouer, ce côté « geignard » se révèle un peu agaçant parfois.

Heureusement, l’album n’est pas que cela. L’aisance du dessin de Thompson est impressionnante et en quelques coups de crayons – dans un style couple et réaliste -, il parvient à faire passer bien plus d’émotion que tout autre discours. Pour couronner le tout, le lecteur a droit à de remarquables et minutieuses esquisses de souks, de cathédrales ou d’immeubles (comme l’achitecture Gaudi à Barcelone).

Au final, ce projet « sans prétention » ne vaut certainement pas « Blankets » mais il permet au lecteur de retrouver un auteur fragile et mélancolique, plutôt attachant, et bourré de talents.

Casterman

Share