TERRE DE REVES

Un recueil de chroniques traitant du rapport de l’homme avec les animaux et la nature. Intimistes et sensibles, les récits de Taniguchi ne parviennent pas malheureusement à émouvoir réellement.

On ne présente plus Taniguchi dont une nouvelle oeuvre est publiée aujourd’hui au sein de la collection Ecritures de Casterman. Passé maître dans l’art de décrire les petits riens du quotidien avec tendresse et délicatesse, il nous livre cette fois cinq chroniques basées surtout sur le rapport de l’homme avec la nature: la première évoque les derniers mois et la mort du vieux chien d’un couple de trentenaires; les deux suivantes racontent l’arrivée dans le foyer d’un chat persan qui se révèle être une chatte enceinte de trois chatons. Dans la troisième chronique, le couple accueille une nièce en fugue qui a du mal à accepter son futur beau-père et s’interroge sur la vie. Enfin, la dernière montre un père de famille qui décide de retourner affronter les cimes de l’Annapurna, dix ans après une tentative ratée ayant coûtée la vie à un ami.

Comment ne pas tomber sous le charme du graphisme fin et sensible de Taniguchi, de la poésie qui se dégage de ses superbes décors et paysages? On ne n’étonnerait guère de voir ces animaux, chats et chien, se mettre à bouger sous nos yeux tant ils semblent vivants. Au niveau de la narration, on retrouve aussi la patte intimiste et nostalgique du mangaka qui fait la force de ses oeuvres. Les personnages n’ont jamais besoin de se lancer dans de grandes effusions démonstratives pour que transpire des pages la tendresse ou l’amour.

Tout les ingrédients sont là et pourtant, cette fois, « Terre de rêves » ne fait pas mouche. Les récits mettant en scène le couple, leur vieux chien mourant et les chatons pleins de vie, n’échappent pas à une certaine mièvrerie. On a beau être touché par l’affection portée à ces animaux et aimer les bêtes soi-même, on ne parvient pas à comprendre ce couple qui leur donne une place excessive. Qui va même jusqu’à maintenir le vieux chien sous perfusion pendant un mois afin de l’alimenter. Le couple n’a pas d’enfants. N’en veut-il pas, ne peut-il pas en avoir? Nous n’en saurons rien, pas plus que leur nom. C’est dommage car leur comportement est peut-être lié à cette absence.

Le dernier récit est le plus intéressant même s’il séduira en priorité les amateurs d’alpinisme. Il rappelle « Le sommet des dieux », un récit de Taniguchi sur ce même thème publié chez Kana en plusieurs tomes. Contrairement aux premières chroniques avec le couple sans enfant, ce n’est plus seulement l’âme au quotidien (le héros doit choisir entre une vie de famille tranquille ou risquer sa vie en montagne) qui est dépeinte mais aussi l’âme humaine plongée dans l’aventure, dans l’extrême. Cette fois, c’est l’animal – une panthère des neiges – qui soutient l’homme pendant toute la difficile ascension.

« Terre de rêves » n’est donc pas le meilleur Taniguchi. Alors si vous ne connaissez pas cet incontournable auteur japonais, préférez-lui plutôt son magnifique « Quartier lointain » (alph’art du meilleur scénario en 2003 à Angoulême) ou le très poétique « L’orme du Caucase ».

Casterman

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