SAY HELLO TO BLACK JACK – Tome 1

L’univers impitoyable du système de santé vu à travers un manga. Une série qui a bouleversé l’ensemble de la société nippone.

Eijirô Saitô fraîchement émoulu de l’université d’Eiroku fait désormais partie de l’élite médicale japonaise. Pour parfaire sa formation, il doit toutefois travailler pendant deux ans comme interne dans un CHU. Mais pour ce jeune homme idéaliste, le décalage entre les beaux discours sur la médecine et la pratique est immense et la réalité est difficile à supporter: non seulement le travail est éprouvant et le salaire nettement insuffisant mais l’attitude mercantile et carriériste des médecins prime souvent sur la vie des patients.

Il s’agit d’un premier tome et pourtant, au Japon, le manga a déjà une belle histoire derrière lui. Vendu à plusieurs millions d’exemplaires, il a provoqué un véritable débat de société au sein de la société nippone en pointant du doigt de multiples dysfonctionnements. Ainsi alors qu’en tant qu’interne, Eijirô Saitô gagne 280 euros par mois dans son centre hospitalier universitaire, les gardes de nuit qu’il effectue en hôpital privé pour survivre lui en rapporte 615 en une seule nuit! Il faut dire que cet hôpital n’accepte que les accidentés de la route car les frais médicaux sont couverts par les assurances autos et les honoraires libres. Les patients consommateurs de soins chers et parfois inutiles et les CHU en prennent aussi pour leur grade. Sato Syuho emploie même le terme « mafia » pour désigner le « Bureau Médical » (BM), sorte de coopérative qui régit en fait l’avancement des médecins selon son bon vouloir.

On comprend que toutes ces révélations aient fait réagir les Japonais alors que le pays enregistre un pourcentage de médecins par habitant très élevé. Sous la pression publique, le ministère japonais de l’Education et des Sciences a finalement été contraint de prendre des réformes afin d’améliorer le statut du corps médical!

Mais au delà du phénomène de société, que penser de « Say hello to Black Jack » (clin d’œil au célèbre « Black Jack » de Tezuka) en tant que manga? Le dessin de Syuho Sato est plutôt classique mais propre. Certains personnages ont des traits vraiment caricaturaux qui ne se justifient pas mais globalement l’expressivité des visages est bien rendue. Cela les rend attachant, en particulier Eijirô Saitô et sa bonne bouille de gamin. En revanche, il manque de crédibilité sur certains points: comment peut-on imaginer en effet qu’au bout de six ans d’études médicales, il soit à ce point ignorant du fonctionnement de ce milieu?

La série est en tout cas manifestement très bien documentée. Et c’est bien là toute sa force. Il faut dire que l’éditeur se charge d’effectuer les recherches au sujet du système médical et d’interviewer médecins et patients. Des médecins parcourent également le manuscrit afin de contrôler si l’univers décrit est conforme à la réalité.

Reste à savoir si la série tiendra la distance et si le thème développé parviendra à passionner le lecteur français jusqu’au bout.

Glénat

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