MOI, ASSASSIN

Un professeur d’Histoire de l’Art espagnol élève l’assassinat sanglant au rang d’art. Un polar original parfaitement maîtrisé. Fascinant.

Tuer n’est pas un crime, tuer est un art. A 53 ans et une trentaine de meurtres à son actif, le professeur d’Histoire de l’art Enrique Rodriguez Ramirez partage sa vie entre son groupe d’étude à l’Université du Pays basque (« Art et cruauté: la représentation du supplice dans l’art occidental ») et son activité meurtrière.

Difficile de ne pas rester scotché à « Moi, assassin » durant 136 pages fascinantes sur l’art de tuer. Le récit, construit comme un long monologue d’une froideur inhumaine, fait froid dans le dos. L’universitaire est fou à lier n’en doutons pas mais d’apparence parfaitement lucide. Aussi Antonio Altarriba – déjà auteur d’un « Art de voler » multiprimé et traduit dans douze langues – n’hésite-t-il pas à théoriser beaucoup sur l’art et à expliquer le processus de « création » imaginé par son héros. Enrique Rodriguez Ramirez profite de ses congrès pour commettre des assassinats à seule fin esthétique. En gros, il s’agit ni plus ni moins que de performances qui peuvent trouver leur inspiration tantôt dans le « dripping » de Pollock (cette technique qui consiste à laisser s’écouler un liquide sur une toile en fonction des mouvements du corps) tantôt dans « Les désastres de la guerre » de Goya… Un cauchemar montant en puissance au fil des pages et remarquablement mis en images par Keko: ses planches en noir et blanc sont impressionnantes, ponctuées de temps à autre de taches rouge (une simple pomme, des éclaboussures de sang, etc) qui viennent trancher avec le noir très dense. Effet saisissant garanti.

Share