CRÉATURE – TOME 1. Chimères

L’ancien chanteur de L’Affaire Louis Trio revient à la bande dessinée avec un album sombre qui revisite le mythe de Frankenstein. Une bonne surprise.

« Créature » commence là où le « Frankenstein » de Mary Shelley s’arrête. Le monstre qui a tué son « créateur » ressurgit des glaces de l’Arctique. Mais la suite dévoile une toute autre histoire que celle du roman original. L’âme torturée, la créature part à la rencontre des hommes pour leur apporter un troublant témoignage: elle dit être si ancienne qu’elle a oublié son nom et qu’elle a vu naître le monde. Le docteur Frankenstein ne serait-il donc pour rien dans sa résurrection?

Cleet Boris, alias Hubert Mounier (l’ancien chanteur de l’Affaire Louis Trio), avait signé à la fin des années 1980, « J’ai réussi » et « Le temple de la paix » (Magic Strip), puis en 1998, « Super-Héros » (La comédie Illustrée), avec David Scrima. Il revient aujourd’hui avec cette nouvelle série, chez Soleil, pour laquelle il réalise le scénario, le dessin et les couleurs.

Le récit se déroule très lentement et est centré exclusivement sur ce monstre qui ne veut qu’une chose: se libérer d’un fardeau et raconter son histoire même s’il lui faut passer par un procès et une condamnation à mort, pour qu’on le laisse s’exprimer. Les dialogues sont réussis, le dessin qui rappelle le style des comics aussi, la souffrance et le désir d’humanité de la créature sont bien rendus.

Le lecteur se sent d’autant plus concerné qu’il entre directement dans la tête de la créature qui est le narrateur du récit. Il connait toutes ses pensées et subit en même temps les réactions de rejet des hommes face à son apparence. Il est vrai que, fidèle au mythe, la créature est une sorte de géant rafistolé aux traits grossiers et au regard dur. Pourtant ses propos sont plein de sensibilité et ce sont plutôt les villageois, xénophobes, violents, presque animaux, qui nous inspirent du dégoût.

« Chimères » n’est qu’un premier tome mais il peut se lire comme un one-shot. Il a le mérite de revisiter de manière originale un mythe exploré des milliers de fois, en en profitant pour dénoncer le clonage et les apprentis sorciers.

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