Tiburce Oger: « Dans la peau du héros »

Tiburce Oger aimerait que les lecteurs découvrent l’île mystérieuse de Black Sands en même temps que ses naufragés. C’est en effet une expérience particulièrement excitante et terrifiante. On vous conseille donc d’aller acheter cet excellent thriller, de le lire puis de revenir découvrir l’interview de son scénariste.

blacksands.jpgJ’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir « Black Sands » sans même avoir lu la quatrième couverture. Est-ce la meilleure manière de découvrir votre album et d’en ressentir toute sa tension ?
Tiburce Oger. C’est beaucoup mieux ! L’éditeur a trouvé que ce serait vendeur de dévoiler beaucoup de choses en quatrième de couverture. Je me suis un peu bagarré pour cela, car moins ont en dit, plus on peut découvrir. C’était un peu le principe d’une série comme « Lost » ou de « L’île mystérieuse » de Jules Vernes. Il faut qu’on soit comme le héros, qu’on découvre au fur et à mesure ce qui va se passer.

Les lecteurs qui lisent cette interview vont certainement perdre un peu de plaisir de lecture. Est-ce un problème pour sa promo ?
T.O. On verra sur les ventes. J’ai lu tout à l’heure une critique sur un site. Le journaliste a adoré, mais raconte un peu toute l’histoire. Celui qui lira ensuite l’album sera peut-être déçu d’avoir perdu cet effet de surprise. Forcément, si on lui a déjà raconté que les Indiens mouraient à la fin…



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Jusqu’où allez-vous alors dans le résumé de l’intrigue ?
T.O. Joseph est un marin, dont le navire se fait couler par un sous-marin japonais dans l’archipel Bismarck en 1943. Il échoue avec une poignée de survivants sur une île. Là, les choses se corsent et il va découvrir des choses étranges et atroces. 



On pense à « Walking Dead » et à « Lost ». Ce sont des influences ?
T.O. Quand j’écris une histoire, je mets les choses qui me font rêver ou vibrer. Avant « Lost », j’ai surtout été fasciné gamin par L’île mystérieuse. Que ce soit dans l’espace ou dans le grand ouest sauvage, j’aime ces histoires de monde inconnu auquel l’homme se trouve confronté.

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Plusieurs retournements de situation viennent bouleverser le récit comme dans de nombreuses séries télés actuelles…
T.O. Trop de retournements de situation, c’est lassant. C’est ce que je reproche à des séries comme « Walking Dead ». Ils sont juste utilisés comme des pirouettes pour rebondir sur l’épisode suivant. On n’en voit pas la fin. « Black Sands », c’est un one shot. Il y a des retournements de situation, mais c’est parce qu’il faut quand même bouleverser la lecture. C’est primordial de prendre le lecteur à contre-pied. Il faut aussi essayer de le captiver à un moment donné par une émotion. Ce ne sont pas les scènes d’action qui sont primordiales, mais plutôt celles plus posées, d’angoisse ou de tristesse. C’est dans ces moments-là que l’on peut davantage s’identifier au personnage et ressentir son désarroi.



Comment en êtes-vous arrivé à écrire sur l’unité japonaise 731, qui effectuait des expériences sur des cobayes humains ?
T.O. L’idée de départ était de faire une histoire sur une île avec des créatures malfaisantes qui vous courent après. Là, c’est le fan de « Walking Dead » qui parle. Après, c’était de ne pas faire une redite et d’amener quelque chose d’original. En entrant dans une période comme la Seconde Guerre mondiale dans le Pacifique, il y avait aussi le fait de confronter un énorme conflit mondial et de trouver des pseudo-expériences scientifiques comme l’ont aussi fait les nazis. C’est à ce moment-là que j’ai découvert toutes les horreurs sur l’unité 731. J’avais vraiment le thème et le déclencheur de l’histoire. Je voulais coller à la réalité et ne pas seulement l’utiliser en fond.

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On va au-delà de ce que l’on peut imaginer dans la barbarie. C’est délicat de s’en servir comme base pour une fiction ?
T.O. On peut très bien faire du pulp ou de la série B tout en amenant quelque chose d’intéressant et d’historique. Dans toutes mes fictions, il y a toujours un fond de véracité.
Avec « Black Sands », je pense d’abord rendre hommage à la mémoire des victimes tout en faisant une histoire fantastique. Il ne faut pas forcément un récit sombre et dur. Ces gens, qu’on appelait des buches, aimaient la vie. D’ailleurs, on les appelait des buches, car le premier centre qui a été construit a été maquillé pour faire croire à une scierie. Cyniquement, les soldats parlaient de livraisons de buches pour parler des prisonniers chinois ou des opposants politiques qu’ils mettaient dans ces camps pour faire leurs immondes expériences.



Pourquoi ne pas l’avoir dessiné vous-même ?
T.O. Je travaillais sur « Buffalo Runner » et sur le tome 5 des « Chevaliers d’Émeraude ». Un troisième album, cela aurait fait beaucoup. Je trouvais aussi que le dessin de Mathieu (Contis) pouvait correspondre. C’était une occasion pour lui de se lancer dans le métier. Il a apporté une fraicheur à l’album.



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Même si « Black Sands » est une histoire complète, elle laisse la porte ouverte à un second tome…
T.O. Ce serait pas mal ! Il y a une vraie fin, mais on voit très bien que l’on peut partir sur un autre truc. J’ai déjà pas mal de choses de notées. Si l’éditeur nous donne le feu vert, je suis partant !


Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« Black Sands » de Tiburce Oger et Mathieu Contis. Rue de Sèvres Editions. 18 euros.

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