Serge Pellé: « Inventer un univers de science-fiction m’amuse beaucoup »

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En seulement trois tomes, Sylvain Runberg et Serge Pellé ont réussi à hisser « Orbital » au niveau des plus grandes sagas de science-fiction. Son dessinateur livre ici les secrets de fabrication de cette série incontournable.


Dessiner une histoire de science-fiction, c’est un choix ou une belle opportunité ?
Serge Pellé. Les deux. Je suis arrivé sur ce projet alors que Sylvain avait déjà écrit le premier tome. C’est l’éditeur qui nous a mis en relation. orbitalT3.jpg J’ai été séduit par cet univers qui me donnait le moyen de pouvoir enfin me mettre au service d’un récit et de redessiner intensément de la science-fiction.

Derrière une trame très classique, deux personnages opposés qui doivent cohabiter, se cachent une réalité plus complexe. C’est quelque chose d’important pour la série ?
S.P. Oui, la série tourne autour des personnages. C’est le noyau. Les choses de la vie ne sont jamais simples, Caleb et Mezoké n’y échappent pas. Ils ont leur histoire, ce qui implique forcément des comportements différents. En même temps, ce sont des ambassadeurs, qui doivent travailler ensemble en passant au-delà des préjugés. Tout cela conduit à des situations parfois limites.
« Orbital » est une série qui parle principalement de racisme et de tolérance. La science-fiction est un bon moyen de parler de la société actuelle ? Cela présente quels avantages sur un récit plus contemporain ?
S.P.
Sylvain et moi aimons cette transposition, elle se nourrit de ce que le monde nous donne à voir. La science-fiction a toujours été un bon moyen de traiter les travers de la société humaine et on ne s’en gêne pas dans « Orbital ». Comment accueillerions-nous des aliens, s’ils débarquaient demain à Paris, Tokyo, New York ou Nogent. L’aventure permet d’aborder de nombreux thèmes. Quant à l’avantage de la science-fiction par rapport au récit contemporain, c’est qu’elle offre une totale liberté puisque nous ne subissons pas l’historique d’un lieu ou d’un conflit. Enfin, au moins au début…

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C’est excitant de devoir inventer des créatures, des environnements ou encore des véhicules ?
S.P. 
C’est un vrai plaisir de développer tout un univers en cherchant à le rendre le plus plausible possible. J’aime inventer et dessiner des paysages, des bâtiments architecturaux, des vêtements ou des accessoires. C’est même presque envoûtant. Il ne faut toutefois pas aller trop loin et ne jamais oublier que notre rôle est juste de servir l’histoire. C’est en tout cas une partie de mon travail qui m’amuse beaucoup.

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Qu’est-ce qui est le plus difficile ?
S.P.
Je suis un laborieux alors tout est difficile pour moi. Le dessin d' »Orbital » me demande beaucoup. Cela commence à s’arranger et le plaisir prend sa place, mais cela reste un vrai combat de tous les jours.

Quelles sont vos sources d’inspirations graphiques ?
S.P.
J’ai évidemment lu et vu tout un tas de choses. Je pense qu’elles sont pour la plupart le terreau de mon inspiration. Mais, la vraie source, c’est l’envie, l’envie de dessiner et de raconter. C’est cela qui m’inspire.



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Est-ce que vous vous adaptez toujours au scénario ou est-ce qu’il vous arrive de l’influencer pour pouvoir dessiner une case qui vous tient à cœur ?
S.P.
Jamais pour une case qui me tient à cœur. Si j’influe sur la mise en scène, c’est que j’ai une idée plus évidente pour servir le récit. La construction d’une page dessinée peut donner une autre géographie de la narration que celle du scénariste. Si j’en trouve une bien meilleure, je ne me gêne donc pas pour la proposer.

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Techniquement, quelles sont vos méthodes de travail ?
S.P.
Je lis les dialogues pour m’imprégner du ton de la scène. Je peux alors travailler quelques vignettes en désordre sur plusieurs feuilles afin de faire des petites recherches de design et de cadrage. J’utilise ensuite les vignettes qui me semblent les plus adéquates pour traduire la scène et je commence à tracer. À ce stade, je travaille aussi le recadrage et l’équilibre de la page. Je laisse reposer plusieurs semaines avant d’attaquer la couleur. Cela me permet de voir immédiatement ce qui cloche quand je les reprends et de pouvoir modifier ces quelques détails. Pour la couleur, je travaille avec des feutres, des gouaches, des pastels ou des crayons gras. Pour « Orbital », je voulais travailler en couleurs directes, avoir ce coté un peu crado avec le crayonné. Enfin, je termine par un encrage à la plume ou au pinceau.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

« Orbital » de Sylvain Runberg et Serge Pellé. Trois tomes à ce jour. Dupuis.

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