Robin Walter: « Une vision réaliste du foot »

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Le monde du ballon rond n’avait peut-être jamais été retranscrit de façon aussi réaliste que dans ce diptyque « Prolongations ». Robin Walter délaisse les classiques intrigues à base de matchs truqués ou de dopage pour se concentrer sur la saison déjà suffisamment passionnante d’un footballeur, de sa femme, d’un arbitre, d’un supporter et d’un journaliste.

Le football n’est pas un thème très utilisé en fiction…
Robin Walter. prolongations1.jpgC’est le moins que l’on puisse dire. En tant que passionné de football et de BD, cela fait longtemps que j’ai fait ce constat. Écrire sur une de mes passions et faire quelque chose de nouveau dans le paysage des bulles, voilà les deux raisons qui m’ont poussé à réaliser « Prolongations ». Et puis, c’était le bon moment. Après « KZ Dora » (qui ressort en intégrale le 19 mars prochain), j’avais besoin de passer à quelque chose de plus léger.

L’un de vos joueurs lit « Carton jaune » de Nick Hornby. C’est votre référence ?
R.W. Je me suis amusé à placer tout un tas de petites références culture foot et quelques références BD aussi. Des clins d’œil… « Carton Jaune », c’est surtout le premier bouquin qui m’a fait réaliser qu’on pouvait écrire sur le foot. Qu’on pouvait prendre le foot comme univers et y raconter des personnages. Nick Hornby est celui qui a ouvert des voies. Ce roman a été une étape importante dans ma manière d’apprécier le football.

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On sent votre passion pour le ballon rond, avec même l’impression parfois de lire un plaidoyer pour le football. Vous aviez envie de défendre ce sport ?
R.W. Tout à fait. C’était le point de départ. Écrire sur la passion du foot, tenter de l’expliquer. Je suis conscient de vivre dans un pays qui n’est culturellement pas un pays de football. « Passion », c’est le titre du premier tome. Je ne prends donc pas le lecteur en traitre en lui vendant une vision pourrie du foot. Ce qui peut d’ailleurs être tentant pour un scénariste qui veut développer un polar. Ce qu’a par exemple fait Desberg avec « IRS Team ». J’avais envie de m’adresser aux fans, mais aussi à tous les autres, en tentant de briser certains de leurs préjugés. De toute façon, je n’aurai eu aucun plaisir à écrire uniquement sur le côté obscur du ballon rond. Mais pour être crédible, j’ai dû forcément dénoncer quelques trucs. Je voulais présenter une vision réaliste de ce milieu. On n’est donc pas chez « les Bisounours au foot » mais pas non plus dans un truc glauque, sombre et pourri. Je raconte simplement des tranches de vie de personnages qui sont tous liés d’une manière ou d’une autre au football.

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Vous abordez beaucoup de thèmes dans ce diptyque. Est-ce que cela n’a pas été frustrant de devoir vous limiter à 140 pages ?
R.W. La première chose que j’ai faite en me jetant dans ce projet, c’est de coucher sur papier les thèmes que je voulais traiter. Après, j’y ai associé un ou plusieurs personnages. Si j’avais voulu traiter tous les sujets en même temps, il m’aurait fallu une douzaine de personnages. Même davantage. C’était impossible. Ma solution a été de n’en prendre que cinq et de raconter une saison de foot.



Ces deux tomes nous ont fait aimer vos personnages et on a envie de continuer à les suivre. Est-ce qu’une suite est envisagée ?
R.W. L’idée est de raconter d’autres saisons en changeant une partie des protagonistes, en mettant certains personnages secondaires sur le devant de la scène, et en éloignant d’autres. Ces deux premiers tomes sont donc dans mon esprit un premier cycle. C’est comme ça que je l’ai écrit. J’aimerai bien continuer. J’ai des retours de lecteurs qui ont envie de revoir mes personnages, qui aimeraient eux aussi que ça continue. Cela fait évidemment plaisir. Mais il faut aussi que l’éditeur accepte et ce sont les acheteurs qui vont le convaincre, logiquement. Donc, si vous voulez que ça continue, offrez et faites connaître « Prolongations » autour de vous (sourire).

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Avez-vous rencontré des acteurs du football pour écrire cette histoire ?
R.W. Pour approfondir mes connaissances, j’ai d’abord lu tout un tas de bouquins généraux et d’article sur le foot. J’ai vu des films, des documentaires, etc… Ce que je fais à chacun de mes projets. Puis, j’ai affiné mes lectures en lisant des bouquins comme celui de Bruno Derrien « A bas l’arbitre » ou celui de Virginie Ramé « À moi de jouer » pour nourrir les parcours de mes personnages. Ceux de Justin (arbitre) et Johana (femme de joueur) par exemple. J’ai également pu échanger avec un ancien arbitre, un ancien ultra… Un ami journaliste sportif au Figaro m’a ouvert les portes de sa rédaction.

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Les passionnés de football découvriront le rôle important que peuvent tenir les journalistes en faisant la promotion d’un joueur. Il fallait sortir des histoires habituelles de dopage ou de matchs truqués ?
R.W. Je ne voulais pas tomber dans les clichés, dès qu’il s’agit d’écrire sur les dérives du sport et du foot en particulier. Non pas que cela ne m’intéresse pas et que je ne compte pas m’y consacrer dans un éventuel second cycle, mais je ne voulais pas non plus taper trop fort sur le foot. Encore une fois, l’idée de départ, c’était de parler de la passion lors de cette première saison. J’ai préféré dénoncer des choses un peu plus légères ou d’autres dont on parle trop peu. Davantage des choses liées à la société, de manière générale. La plupart du temps, lorsque j’attaque le foot, c’est pour ensuite mieux le défendre notamment par la voix de l’animateur de l’émission radio « Prolongations » qu’écoutent les différents protagonistes.

Le journaliste de fiction de votre série commente le vrai football sur Twitter. C’est un métier que vous auriez aimé faire ?
R.W. En effet, Jean Duplantier, journaliste et animateur de l’émission « Prolongations », a son compte Twitter. À la base, c’est évidemment un outil de communication, mais je savais que j’allais y prendre du plaisir. Et ça se confirme. Dès que j’ai le temps, j’échange avec tout un tas de passionnés de foot. Je n’ai pas prévu de m’arrêter. J’ai un compte Twitter que je réserve au football. Je pense que je me serai bien plus dans ce métier et dans ce milieu. Peut-être davantage dans le journalisme d’investigation. J’aime bien ce que fait Canal+ avec ses « Enquêtes de foot » par exemple.

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Votre dessin est assez proche de celui des comics…
R.W. On m’a déjà fait ce genre de commentaire sur mon dessin. Mais je n’y connais rien en comics. Enfin, trop peu pour prétendre à quelque influence. Par contre, certains dessinateurs que j’aime ou que je suis, sont semble-t-il plus connaisseurs des auteurs américains que moi. Je pense à Vatine, Varanda (époque « Bloodline » ou « Paradis perdu ») ou Mitric (qui a joué un rôle de mentor auprès de moi voici quelque temps déjà). Mais afin d’épurer un peu mon trait, je regarde aussi ce que font Chabouté, Guibert, Miller ou Risso. Je me nourris de pas mal de dessinateurs différents aux styles parfois très éloignés. J’évolue à chaque album. Guillaume Bouzard me faisait remarquer dernièrement mes progrès entre les 2 tomes de « Prolongations ». On va continuer d’apprendre en regardant tous ces maîtres.


Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

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« Prolongations », tome 2. « Dépendance » par Robin Walter. Editions Des Ronds dans l’O. 18 euros.

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