Jean-Blaise Djian: « Se mettre dans la peau du personnage »

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Inspiré par le cinéma de Jean-Pierre Melville ou encore « Tchao Pantin », Jean-Blaise Djian apprécie que le lecteur s’identifie au personnage principal. Dans sa nouvelle et très prometteuse série parue chez Vent d’Ouest, « Silien Melville » est donc un pompiste paumé, entraîné dans une sombre histoire politico-financière plutôt explosive.

Votre héros s’appelle Melville. Cela ne peut pas être un hasard…
Jean-Blaise Djian. Tout à fait. Les films de Jean-Pierre Melville sont pour moi une référence. J’aime sa façon de mettre en scène. Il prend le temps de bien exposer les choses. Il fait monter le suspense comme un chef monte une sauce, ingrédient après ingrédient. L’ambiance est souvent sombre et on a l’impression d’être dans le personnage. De se poser les mêmes questions que lui, d’avoir les mêmes peurs… L’ambiance du film que j’avais en tête pour cette histoire est « Le doulos » avec Jean-Paul Belmondo, Serge Reggiani et d’autres, tous aussi bien calés les uns que les autres.

Votre héros n’est pas un flic ou un détective, mais simplement un pompiste paumé…
J.-B. D. L’idée était de mettre un simple péquin dans la situation d’un flic qui va devoir remonter toute une histoire dont il ne sait au départ rien, pour sauver sa peau. C’est un peu une loque qui petit à petit retrouve des réflexes. Plus il découvre l’ampleur de l’affaire, plus il devient détective. Il se fond dans la nature comme un serpent prêt à cracher son venin.

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Pourquoi ce clin d’œil appuyé à Tchao Pantin dans la première planche ?
J.-B. D. Parce que ce film part d’un postulat très noir qui met de façon extrêmement efficace le spectateur dans la peau du personnage. Ce qui me plaisait dans ce film, c’est ce personnage admirablement joué par Coluche, ce type bloqué dans une impasse, et qui, d’un seul coup, se force à sortir de son cadre pour retrouver les assassins d’un jeune dealer qui avait peut-être vu l’être humain sous sa carapace de pompiste alcoolique…

Cela vous amuse de multiplier ainsi les clins d’œil tout au long de l’album avec notamment des affiches de films ou des pochettes de disques ?
J.-B. D. Non, là, je dois avouer que je n’y suis pour rien. Il s’agit de films ou pochettes de disques choisis par Cyrille Ternon, le dessinateur. L’idée était de mettre des films correspondants à l’époque (1994). Il est normal qu’il ait préféré mettre en valeur ce qu’il avait aimé, je pense.

Pourquoi avoir opté pour un album en couleur et non en noir et blanc ?
J.-B. D. La collection « Turbulences » de chez Vents d’Ouest produit des séries plutôt noires, mais mises en couleur. Catherine Moreau, notre coloriste, a concocté une mise en couleur que Cyrille et moi apprécions beaucoup. Silien-Melville1.jpg C’est vrai cependant que ce type de récit fonctionne très bien en noir et blanc. D’autant que Cyrille est très fort pour placer les noirs dans ses images.

La clé de l’intrigue n’est révélée que dans les dernières pages de ce premier tome. C’est difficile de trouver le bon moment pour le faire ?
J.-B. D. Comme je vous le disais, c’est une question de dosage : Il faut faire monter la sauce, amener des éléments qui s’emboîtent les uns dans les autres, mais aussi les uns après les autres. Pour ma part, j’avais écrit un synopsis complet de l’album. Un peu comme un plan dans lequel on choisit le bon moment pour chaque révélation. Cette notion de « bon moment » est une notion très subjective, bien sûr. Après, c’est le lecteur qui nous fait savoir si la mécanique fonctionne ou pas. Le tome 2 est déjà écrit, Cyrille est en train de le dessiner. Un nouveau suspense découlant du premier va se mettre en place. On ne découvrira que dans les dernières pages les vraies raisons pour lesquelles Hervé Bodo a refilé la « patate chaude » à Silien Melville, dans le tome 1…

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Est-ce très différent de créer un polar où tout reste longtemps très mystérieux ? Est-ce qu’il faut dans ce cas disséminer des indices pour rendre la deuxième lecture plus attrayante ?
J.-B. D. Dans le cas de « Silien Melville », c’était un parti pris. Je voulais que le lecteur découvre la problématique en même temps que lui. Qu’ensemble, ils ne sachent pas où fonce le train fantôme dans lequel ils étaient embarqués. Le tome 1 est truffé d’indices qui feront que quand on lira le tome 2, on aura l’impression d’être passé à côté d’indices de premier ordre. Tout comme Silien, d’ailleurs.

Maintenant que l’intrigue principale est posée, comment continuer à surprendre le lecteur ?
J.-B. D. Je pense que l’intrigue n’est pas du tout posée. Dès le début du tome 2, Silien va tomber des nues. Le train fantôme va s’emballer. Il aura un tueur aux trousses, et on découvrira que certaines péripéties du tome 1 n’étaient que la partie émergé de l’iceberg.

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Avez-vous déjà défini un nombre précis de tomes ?
J.-B. D. Tout dépendra du succès qu’obtiendra la série. En fait, le tome 2 est déjà écrit et le suivant est déjà mis en place au niveau de l’idée globale. Chaque album formera une histoire complète, mais apportera des éléments nouveaux sur la personnalité, la vie passée et l’entourage de Silien Melville. Après le tome 3, il reprendrait l’agence d’Hervé Bodo et deviendrait détective privé à sa place. J’espère que les lecteurs suivront ce personnage.

Par ailleurs, à partir du tome 2, je ne serai plus seul scénariste de la série. Pour encore mieux la caler dans l’univers du polar, je travaille avec un ami qui a déjà écrit de nombreux romans policiers et qui connaît bien les mécanismes policiers ainsi que le monde de la pègre.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

« Silien Melville » (Tome 1. « Opération Arpège ») de Jean-Blaise Djian et Cyrille Ternon. Ed. Vents d’Ouest, 9, 40 euros.

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