James: « Tout oppose Mick Jagger et Keith Richards »

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Comment deux personnalités aussi différentes que Mick Jagger et Keith Richards ont pu créer l’un des plus grands groupes de rock du monde, les Rolling Stones ? C’est à cette question que répondent James et Boris Mirroir dans un album aussi instructif qu’hilarant.

Fluide Glacial sort simultanément un album sur les Beatles. Cela signifie qu’il s’agit d’un travail de commande ou êtes-vous à l’initiative de ce projet ?
James.Non, il n’y a pas de lien. C’est un projet que nous avons démarré avec Boris Mirroir (alias BenGrrr et la Tête X) il y a un an et demi maintenant. Au départ, l’idée de « Backstage » était de raconter la création de groupes de musique, sous l’angle humoristique, en s’arrêtant au moment où les groupes sortaient leur premier disque, avant qu’ils aient une vie publique. Le tout en se basant sur de vrais éléments biographiques. Il nous a semblé tout naturel de commencer en racontant la genèse du groupe le plus mythique, les Stones, notamment à cause des personnalités uniques de Mick et Keith.

Backstage pourra donc raconter la genèse d’autres groupes ?
J. Le concept de « Backstage » est en effet assez ouvert. On pensait se limiter à un seul album par groupe ou genre musical, mais comme finalement le terreau est assez riche sur les Rolling Stones, on devrait faire encore un ou deux tomes sur les aventures de Mick et Keith, jusqu’à la formation officielle du groupe et l’enregistrement du premier disque. Ensuite, nous aimerions beaucoup pouvoir traiter de la naissance du punk à Londres au milieu des années 70.

Pourquoi sous forme de strips humoristiques en six cases ?
J.C’est un choix délibéré. Le but était à la base de faire un livre drôle avant tout. C’est un format dans lequel je me sens à l’aise et que j’utilise sur d’autres projets. Il permet d’avoir un rythme assez percutant et une écriture qui n’a pas besoin de remplissage pour arriver à la chute. Cela permet aussi de jouer sur les running gags, sur les ellipses d’un gag à l’autre pour conter une histoire sur la longueur.



Qu’est-ce qui vous plaisait chez les Rolling Stones ?
J. En dehors de leur musique qui est, il faut bien l’avouer, plutôt de qualité, ce sont les personnalités de Mick Jagger et Keith Richards qui nous ont intéressées. Tout les oppose et pourtant ils continuent à faire de la musique ensemble même 50 ans après. D’un côté un garçon pétri de contradictions entre son milieu social, ses ambitions et son véritable amour pour la musique blues, de l’autre côté un garçon vivant que par et pour la guitare, sans calcul. On avait là deux personnages parfaits. Mais on peut très bien lire cet album sans nécessairement relier les personnages à leur identité. C’est avant tout un livre qui raconte la rencontre de deux adolescents au début des années soixante et qui veulent faire du blues ensemble.

J’ai toujours eu de la fascination pour ce dandy décontracté et destroy qu’est Keith Richards, sa façon unique de poser sur les photos, son mouvement d’épaule quand il balance ses riffs. Un type cool et mystérieux à la fois. Mick Jagger m’a aussi longtemps intrigué, mais pour d’autres raisons. Je n’ai découvert les Stones qu’assez tard, dans les années 80 et donc pas forcément au meilleur de leur forme. Je ne pouvais pas écouter ça avant, c’était la musique de la génération de mes parents. Et à cette époque, Mick Jagger avait tendance à s’habiller avec les fameuses vestes à épaulettes ou en tenue d’aérobic. Je ne comprenais pas comment ce type pouvait être le chanteur du « plus grand groupe du monde ». C’était une énigme. Me plonger dans l’histoire du groupe pour écrire ce livre m’a permis de mieux cerner le personnage de Mick et finalement, même si on ne l’épargne pas, de le trouver attachant.



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Et pour quelles raisons vous n’auriez pas pu écrire sur les Beatles ?
J.Pour les raisons qui m’ont fait choisir les Stones. Et puis le fan de base des Beatles est souvent idolâtre de Lennon, alors que je préfère de loin McCartney.



Vos gags s’inspirent d’anecdotes véridiques sur la naissance du groupe. Est-ce que vous avez lu beaucoup d’ouvrages pour écrire vos histoires ?
J. Oui, je tenais à ce que ce livre ne tienne pas uniquement du fantasme, ni de la caricature facile. Il y a bien sûr des passages purement inventés ou jouant sur des clichés de la vie postérieure du groupe, mais le challenge initial était de raconter une histoire vraie en tentant de la rendre drôle. Avec Boris on a fait beaucoup de recherches, iconographiques de son côté et biographiques du mien. J’ai lu plusieurs livres dont, bien entendu, la bio écrite par François Bon, qui fait office de référence pour de nombreux amateurs, ou encore « Rolling with de Stones » de Bill Wyman. J’ai aussi complété ces lectures par des recherches assez poussées sur internet. C’est comme ça que j’ai découvert que « Little Boy Blue and the Blue Boys » (le premier nom du groupe) a été un vieux comics américain éphémère, antérieur à la création du groupe. Après, je ne peux pas jurer qu’il y a un lien entre ce comics et le nom du groupe, mais comme je n’avais lu l’information nulle part dans les biographies que j’ai lues, ça m’amusait d’évoquer cette piste.

Vous avez peut-être vous aussi eu un groupe de rock durant votre adolescence ? Est-ce que cela vous a aidé pour écrire cet album ?
J. J’étais musicien effectivement, mais je manquais d’assurance pour oser me confronter à d’autres. Cette vieille frustration a dû m’aider à écrire cette histoire. Quant à Boris, lui, il a vraiment fait de la musique, enregistré et publié un disque. Heureusement qu’il est là pour apporter un peu de crédibilité en la matière donc.



Sur certains strips, on a l’impression que personne n’est vraiment d’accord sur la vraie histoire ?
J. Ah oui, on peut dire que le flou plane sur l’histoire de ce groupe. Au niveau des dates, on a un peu de tout. Comme je n’avais aucun élément objectif pour juger, j’ai décidé de suivre les infos de biographie de François Bon, qui fait autorité en la matière. Mais par exemple Gilles Verlant, qui a écrit la préface, avait d’autres dates pour la rencontre sur le quai de la gare à Dartford. Ceci dit, ça n’a pas été un problème pour écrire l’album. On n’a pas cherché à être véridique, mais plutôt crédible, ça reste une fiction. D’ailleurs, dans l’album, on ne cite jamais le nom des personnages. Juste leurs prénoms. C’était un autre de nos enjeux, faire en sorte que le livre soit accessible pour quelqu’un qui ne connaît pas spécialement l’histoire du groupe et y glisser des clins d’œil et des faits avérés pour le fan. J’avais seulement besoin de quelques repères biographiques, d’informations sur les personnalités des protagonistes. Le reste est quand même sorti de mon imagination, donc n’y cherchez pas une énième biographie des Rolling Stones.



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Keith Richard apparait comme un rockeur rebelle tandis que Mick Jagger, avec son ego surdimensionné, semble surtout attiré par la célébrité. C’est un fait ou la version du guitariste des Stones ?
J.Je ne sais pas si Keith Richards est réellement un rebelle. Pour moi, c’est avant tout un musicien, qui ne veut faire que ça et qui ne veut pas qu’on l’emmerde. Il n’a pas d’autre message à faire passer que celui du blues. Quant à l’ego de Mick Jagger, là ça semble être un fait avéré dans tout ce que j’ai pu lire. Je crois même qu’il assume plutôt bien lui-même ce trait de caractère. Je ne me suis pas basé sur l’autobiographie de Keith Richards pour ce premier tome, puisque nous l’avons bouclé en octobre dernier, une semaine avant la sortie en France de « Life ». Bien entendu, j’ai depuis lu le livre de Richards, lecture passionnante, mais à prendre avec des pincettes d’un point de vue historique, car sa mémoire est assez élastique et partielle. Rien que sur l’histoire de la rencontre sur le quai de la gare, il donne des informations contradictoires d’une page à l’autre.



C’est très frustrant de quitter les futurs Rolling Stones au moment où ils partent jouer dans un club de Londres. Cela veut dire qu’il y aura une suite ?
J. On y compte bien. On veut raconter cette histoire jusqu’au premier disque du groupe, en passant par la rencontre avec Brian Jones, le recrutement de Bill Wyman, de Charlie Watts (moment qui est pour Keith Richards, la vraie date de création du groupe), la mise à l’écart de Ian Stewart pour délit de mauvais look, etc. La suite après ça, tout le monde la connaît ou presque, c’est moins intéressant à raconter.

Propos recueillis par Emmanuel LAFROGNE

« Backstage » T1. « Pierre qui roule ») par James et Boris Mirroir. Fluide Glacial. 10,40 euros.

A noter: James signe par ailleurs les dessins de l’album « Amour, Passion et CX diesel » (scénarisé par Fabcaro et colorisé par BenGrrr, alias Boris Mirroir) qui vient de paraître chez Fluide Glacial.

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