UN PACTE AVEC DIEU

Réédition du premier roman graphique américain jusque-là épuisé. Un document vivant sur la vie dans le Bronx des années 30 et une peinture acerbe des petites gens omnubilées par l' »American Dream ».

« Un pacte avec Dieu » n’est pas à proprement parlé une nouveauté puisqu’il s’agit de la réédition de « Un bail avec Dieu » (Les Humanoïdes Associés, 1982) et « Le contrat » (Glénat, 1994). Mais c’est un ouvrage de référence puisqu’il s’agit du premier roman graphique américain.

En quatre histoires centrées autour d’un immeuble – le 55 Dropsie Avenue dans le Bronx – , Eisner raconte la vie des New-Yorkais des quartiers pauvres dans les années 30: un Juif immigré de Russie qui a signé un pacte avec Dieu (une vie exemplaire en échange de la protection divine), un chanteur de rue repéré par une ex-cantatrice célèbre, une gamine vicelarde qui dépouille un pauvre concierge et les vacances à la campagne de ces habitants des faubourgs qui rêvent d’une vie meilleure.

Le point commun de ces histoires c’est la peinture de l’Homme par Eisner. Et le portrait n’est guère flatteur: voleur, menteur, manipulateur, cruel… Tout est bon pour tous ces ouvriers et petits fonctionnaires qui n’aspirent qu’à une chose: sortir de leur condition. Chacun profite donc des autres et de leurs faiblesses, en particulier l’amour. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si dans la dernière histoire, le seul à retourner dans son immeuble, sans connaître d’ascension sociale, est un jeune homme qui ne s’est servi de personne…

Will Eisner, auteur du super héros Spirit, le vengeur masqué, rompt ici avec les contraintes techniques de la BD. Les cases et les bulles sont tantôt présentes, tantôt non. Les dessins en noir et blanc s’étalent sur toute la page ou sont au contraire perdu au milieu du texte. Quant au décor, il est quasi inexistant, ne servant qu’à nous rappeler de temps en temps le sordide du quotidien.

Avec cet album, Eisner a donc ouvert la voie à une nouvelle génération d’auteurs rompant avec le comic classique. Et si les histoires racontées ici ne sont pas inoubliables, elles restent intéressantes, en particulier parce qu’elles nous permettent d’imaginer plus aisément la vie du Bronx à cette époque.

Delcourt

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