SORAÏA

Un petit paysan décide de partir à la recherche de sa soeur vendue comme petite bonne par son père. Une vision sans concession du Maroc contemporain.

Entre « Les Misérables » et « Les Contes des Mille et une nuits », « Soraïa » se rapproche sans nul doute davantage du premier… Avec dans le rôle de Cosette, Soraïa, jeune paysanne marocaine vendue par son père comme petite bonne à des bourgeois de Tétouan. Une décision que son frère Medhi a du mal à accepter. Aussi, décide-t-il de quitter ses montagnes du Rif pour retrouver sa sœur.

Après « La route du kif » – un reportage sur les cultivateurs de haschich dans le Rif marocain publié dans la revue XXI, Renaud De Heyn a choisi la bande dessinée pour se pencher sur un autre fléau de la société marocaine. Car ces petites bonnes (estimées entre 66.000 et 88.000 par Human Rights Watch), aux parents desquelles on promet une vie meilleure et une éducation scolaire sont en réalité réduites à l’état d’esclaves par des familles bourgeoises sans scrupules. La vie de certaines de ces jeunes filles s’achève même de manière tragique dans un pays qui a pourtant ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant de 1959.

Une réalité cruelle racontée de manière très crue dans les 120 pages de « Soraïa » où se succèdent humiliations, violences et viols sur la pauvre Soraïa. Le périple de Medhi, parti sans ressources secourir sa soeur, n’est guère plus réjouissant. On croise des policiers corrompus, des passeurs qui profitent des candidats à l’immigration clandestine vers l’Europe et des extrémistes religieux qui tentent de recruter des disciples.

Si le récit met un peu de temps à démarrer, il se laisse ensuite dévorer jusqu’à la dernière page, nous laissant avec un profond sentiment de malaise que le côté brut du dessin crayonné vient renforcer.

Casterman

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