PROSOPOPUS

Un one-shot fantastique sans dialogues. Des planches d’une extrême richesse picturale.

Un homme, portant une mallette à la main, est abattu froidement. Impuissants, ses gardes du corps laissent s’échapper le tueur qui va tranquillement retrouver une jeune femme au lit. Mais un étrange phénomène se produit: des espèces d’effluves faites du sang du mort, de celui d’une blessure au bras du tueur et de traces de sperme s’élèvent dans l’atmosphère, s’amalgament et forment une créature grotesque: le Prosopopus.

Le Prosopopus, nous explique Laetitia Bianchi dans une longue préface, est un très ancien mythe: le tout premier à avoir vu le prosopopus serait un médecin grec Ctesias de Cnide au IVe siècle avant JC. Les témoignages ne manquent pas à travers le temps. Ici, il est particulièrement grotesque: une espèce de grosse boule jaunâtre au sourire de clown portant un slip blanc! Un monstre mi-comique, mi-inquiétant. Dans ce récit, que De Crécy a voulu entièrement muet, cette étrange créature va s’inviter dans l’appartement du tueur allant jusqu’à dormir dans son lit puis s’imniscer dans son esprit et le torturer. Rêve ou réalité ? Comme malgré lui, l’homme va replonger dans ses souvenirs les plus douloureux, revivant l’amour, la trahison, la mort…

Basés sur l’imaginaire et l’étrange, les albums de Nicolas De Crécy (« Le Bibendum Céleste », « Foligatto », « Léon la Came ») sont généralement complexes. Il est donc d’autant plus remarquable que le scénario de ce « Prosopopus » soit aussi limpide alors qu’aucun dialogue ne vient aider le lecteur. Les scènes s’enchaînent sans temps mort inutile et il y a une gradation dans le récit qui s’opère tout naturellement.

Sur le plan graphique, l’album est représentatif du style de Nicolas De Crécy qui atteint ici des sommets. Les planches sont magnifiques, extrêmement travaillées et d’une grande richesse picturale. Dans un décor torturé, le prosopupus se distingue: il est le seul élément graphique en couleur unie, des teintes chaudes et agréables qui vont du jaune au orange. Comme si le fixer, pouvait reposer. Comme si lui seul pouvait apporter la paix à un esprit torturé…

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