LES SCORPIONS DU DESERT – Tome 6. Le chemin de fièvre

La saga inachevée des « Scorpions du désert » de Pratt ressort des sables africains. Wazem signe une suite convaincante, apportant sa touche au style du dessinateur italien.

Les héros ont la vie dure: le lieutenant polonais Koïnsky, engagé aux côtés des Anglais dans le désert africain, n’est pas mort avec son créateur, Hugo Pratt, il y a dix ans.

« Le chemin de fièvre » signe son grand retour, sous la plume et le crayon de Wazem, l’auteur de « Bretagne » ou de « Sur la neige ». Dans le 6e épisode des « Scorpions du désert », on retrouve donc la suite des aventures africaines de cette unité britannique d’espions combattants durant la Seconde guerre mondiale. Koïnsky, déguisé en guerrier Galla sourd et muet, est dans le train entre Djibouti et Dire Daoua, direction l’état-major des troupes anglo-éthiopiennes. Pendant ce temps, son ami De la Motte qui cherchait à le rejoindre s’est perdu dans le désert. Il est découvert par Ghula la belle sorcière dancale, Guerrino Modena le soldat italien juif à la chemise noire et un fusilier indochinois, déserteur de l’armée française, qui décident de l’accompagner.

Succéder à Pratt, retranscrire avec poésie ses ambiances exotiques et son univers ésotérique, donner vie à ses personnages pittoresques, le challenge n’était pas des plus faciles. Pourtant Pierre Wazem n’a pas été choisi par hasard pour reprendre le flambeau: son graphisme net, les à-plats, les personnages tranchés en deux par la lumière de ses albums trahissaient déjà son admiration pour le dessinateur italien et ont suffi à convaincre Patrizia Zanotti, coloriste de Pratt et gardienne de son héritage.

Bien sûr, « Le chemin de fièvre » n’est pas du Pratt et les inconditionnels de l’Italien n’apprécieront peut-être pas l’interprétation de Wazem, tout comme la colorisation de l’album (pour eux, Casterman publie aussi une version souple en noir et blanc) mais se contenter de copier au plus près le maître n’aurait guère d’intérêt. En mettant sa propre patte dans cette saga, le jeune auteur suisse s’en sort très honorablement: la narration est plus fluide que chez son prédécesseur et l’on retrouve l’élégance des atmosphères pratiennes, un brin fantastique (le scorpion philosophe citant Kipling et Conrad) et les scènes inondées de lumières ou noyées d’ombre.

La sortie de l’album a été saluée par une exposition d’originaux de Pratt, de Wazem et des photos éthiopiennes de Marco D’Anna lors du dernier Festival international de la bande dessinée d’Angoulême.

Casterman

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