Sybille Titeux de la Croix: « Ali, avec ses qualités et ses défauts »


Muhammed Ali était un boxeur hors du commun mais aussi un sportif arrogant et détesté par une partie du public. Dans cette biographie pleine de punch et magnifiquement mise en image par Amazing Ameziane, Sybille Titeux de la Croix dévoile toutes les facettes de cette icône du 20e siècle.

Êtes-vous passionnée par la boxe ?
ecran-2015-10-03-a_-11.00.44.jpgSybille Titeux de la Croix. Je suis certainement davantage passionnée par la boxe de l’âge d’or d’Ali, ou bien celle d’avant lui avec Jack Johnson ou Joe Louis que par celle de maintenant. Je ne suis pas particulièrement subjuguée par la manière de boxer de Deontay Wilder par exemple.

Raconter Muhammad Ali, c’est aussi raconter l’histoire des États-Unis et parler de Malcom X, de JF Kennedy ou d’Obama. C’est aussi ce qui vous plaisait dans ce projet ?
S. T. de la C. En effet, l’intérêt de raconter la vie d’Ali est qu’elle s’inscrit dans de nombreux moments passionnants de l’histoire. Le fait que Malcolm X fasse partie de la jeunesse d’Ali est déjà une histoire à part entière. D’ailleurs, je trouve que Malcolm mériterait un livre en entier. Nous parlons très peu de Kennedy et signalons juste son assassinat. C’est un fait historique si important qu’il prend toute une page du livre mais pas plus car ce n’est pas le sujet. Pareillement, je ne pouvais omettre qu’Ali a serré la main d’Obama, le premier président noir des USA.

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Pourquoi avoir choisi de raconter cette histoire en vous adressant en voix off à Muhammad Ali ?
S. T. de la C. Pour cette biographie, imaginer de très nombreux dialogues entre les personnages me semblait très irréaliste, déjà parce que je suis allergique aux dialogues qui sonnent faux, mais aussi parce qu’une biographie n’est pas une fiction. Cela remet donc tout en jeu… On ne peut pas se comporter avec des personnes réelles et encore vivantes comme avec les personnages de fiction que l’on crée nous-mêmes. Il était évidemment hors de question que je me substitue à la parole de Muhammad Ali. J’ai donc choisi une narration spécifique à la biographie, mais à la deuxième personne du singulier afin d’en augmenter l’intensité.



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Comment avez-vous abordé l’écriture de cette biographie ?
S. T. de la C. On a tous lu des biographies de chefs d’État, mais ce sont souvent des livres de propagande. Ces livres gomment et oublient toutes les aspérités autour de leur sujet. Notre livre s’emploie juste à raconter la vie d’Ali telle qu’elle est, celle d’un humain vraiment extraordinaire. Mais si vous écrivez un livre et que vous ne racontez pas la vérité, le lecteur le sentira immédiatement. Même les fictions les plus rocambolesques doivent être empreintes de vérité lorsque vous faites agir vos personnages, sinon le lecteur s’ennuiera, il ne « rentrera pas dedans » comme on dit. Nous avons raconté Ali comme il est avec ses défauts et avec ses qualités.


On découvre notamment un Muhammad Ali arrogant et détesté par une partie du public…
S. T. de la C. Le fait que le public, dans les années soixante, le détestait et même le huait dès qu’il posait le pied sur un ring est une réalité. À aucun moment, nous ne disons que le public avait raison de le faire, bien au contraire. Mais quand on regarde tous les combats d’Ali en vidéo, comme nous l’avons fait, la haine d’une partie du public ne peut être ignorée.

Tout comme le fait que beaucoup l’ont considéré comme un déserteur lorsqu’il a refusé de rejoindre les rangs de l’armée.



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Vous avez découvert beaucoup de zones d’ombre en vous documentant ?
S. T. de la C. Je n’ai rien découvert du tout. Ali a une personnalité très contradictoire de toute façon. Il a vécu sa jeunesse et est devenu champion dans une période très agitée de l’Histoire, surtout pour un jeune homme noir ! Un jour, un documentariste a interviewé Ferdie Pacheco, le docteur d’Ali. Il lui demandait si Ali était manipulé par la Nation of Islam. Pacheco lui a répondu: « Vous rigolez ? Vous faites un film sur la Bourse ou quoi ? Coupez ça au montage sinon vous allez vraiment passer pour un imbécile ! Bien sûr qu’Ali était manipulé par la NOI ! Tout le monde sait ça, non ? »

Vos planches abandonnent souvent la structure classique de la BD. Quelle était votre idée ? C’était pour donner du rythme et du dynamisme ?
S. T. de la C. Tout comme Ali ne devait pas être un livre silencieux (certainement pas pour la bio d’un des hommes les plus bavards d’Amérique), les planches devaient être dynamiques car on parle du boxeur le plus rapide de tous les temps ! De plus, la structure classique ne signifie rien pour moi. Le dessin, l’organisation de la page doivent s’adapter au sujet tout comme l’écriture. De toute façon, je ne suis aucunement intervenue dans le dessin. Ameziane m’a laissé écrire librement et j’avais une totale confiance dans la réalisation de ses planches.

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Justement, les combats dessinés par Amazing Ameziane sont magnifiques d’intensité. C’est sur ce genre de planches que vous avez choisi le dessinateur ?
S. T. de la C. Les choses ne se passent pas comme ça malheureusement ! Je n’ai pas un éventail de dessinateurs devant moi dans lequel je pourrai piocher suivant mes envies ! C’est d’un commun accord que nous avons voulu faire ce livre et c’est ensuite l’éditeur qui a accepté de produire ce projet fait par nous deux. Muhammad Ali est le 10e livre d’Ameziane, et je suis contente que cette biographie ait été dessinée par quelqu’un qui a beaucoup de métier et un réel niveau d’exigence.



Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

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« Muhammad Ali  » par Amazing Ameziane et Sybille Titeux de la Croix. Le Lombard. 19,99 euros.

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