Jean-Charles Gaudin : « Rouletabille a bercé ma jeunesse »

Grand classique du roman policier, « Le mystère de la chambre jaune » inaugure une nouvelle prometteuse collection d’adaptations de romans de Gaston Leroux. Son scénariste Jean-Charles Gaudin y met en relief le côté thriller de cette intrigante chambre close.

rouletabille1.jpgEn préface, vous écrivez que vous rêviez d’adapter « ce merveilleux roman » depuis tout petit. Pourquoi particulièrement cette première histoire du reporter Rouletabille?
Jean-Charles Gaudin. Avec les « Sherlock Holmes » de Conan Doyle et les « Hercule Poirot » d’Agatha Christie, les enquêtes de Rouletabille ont bercé ma jeunesse. « Le mystère de la chambre jaune » a été mon premier coup de foudre. J’étais fasciné par ce mystère de la chambre close. Il y avait aussi cette touche de fantastique que je trouvais particulièrement palpitante. 



Vous écrivez également « du grand Gaston Leroux »…
J.-C. G. C’est une figure de notre patrimoine et un grand de la littérature. Ses œuvres ont conquis de nombreux pays. Il suffit de voir ce qui a été fait sur « Le fantôme de l’opéra », par exemple, avec la fameuse comédie musicale qui a fait le tour du monde. Son œuvre a marqué les esprits avec son habileté à manier les récits mystérieux et fantastiques.



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Êtes-vous à l’origine de cette nouvelle collection d’adaptations de ses romans les plus connus ? Est-ce que vous signerez la suite avec « Le parfum de la dame en noir »?
J.-C. G. Nous en avions parlé avec Jean Wacquet qui s’occupe de cette collection. Je lui disais toute mon admiration pour cet auteur et ses livres. « Le parfum de la dame en noir » est terminé et sortira en septembre. C’est Christophe Picaud qui est au dessin. Nous sommes actuellement sur « Le fantôme de l’opéra ». J’espère de tout cœur pouvoir continuer avec des œuvres tout aussi palpitantes, mais moins connues comme « Le château noir », une autre aventure de Rouletabille.



On trouve cinq adaptations cinématographiques de ce roman dont celle de Bruno Podalydès en 2003, un téléfilm avec Claude Brasseur et une bande dessinée d’André-Paul Duchâteau et Bernard Swysen. Est-ce que certaines vous ont influencé ?
J.-C. G. Pour être franc, j’ai toujours trouvé que « Le mystère de la chambre jaune » était mal adapté au cinéma. Podalydès en a fait une comédie qui ne manque pas de charme, mais du coup, il a laissé de côté l’aspect plus fantastique, plus thriller… C’est un point de vue que je comprends après avoir lu et relu le roman. Une approche « burlesque » qui est tentante, car Gaston Leroux ne manque pas d’humour. Je voulais pourtant revenir à mon ressenti de première lecture : mystère, suspense, fantastique. C’est ce que je n’ai pas retrouvé dans l’adaptation BD trop ligne claire. Duchâteau est très malin dans son scénario. Il a su trouver des raccourcis tout en gardant le fil rouge… ou jaune. Quant au dessin de Swysen, il s’adresse plus au lectorat jeunesse de par sa ligne claire. C’est un point de vue et le dessinateur est habile, mais ça me paraissait en contradiction avec ce que j’avais ressenti à la lecture du roman que j’avais trouvé plus sombre. Pour moi, l’intérêt du roman n’était pas seulement son intrigue, mais aussi son ambiance particulière.



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Quand on adapte un roman de plus de 450 pages en un album de 62 pages, il faut forcément faire des choix…
J.-C. G. C’est une difficulté, mais ce n’est pas la seule. L’autre est de veiller à ce que tous les éléments soient bien présents pour ne pas oublier des indices qui vont avoir de l’importance. Avec le dessinateur, il faut caler les décors, les descriptions pour que tout concorde. C’est un long processus de préparation et un suivi rigoureux. J’avais fait l’adaptation de « L’assassin royal », et là encore, c’était compliqué de réduire l’intrigue. Sur « Le mystère de la chambre jaune », il ne fallait surtout pas perdre les événements principaux. Heureusement, le récitatif permet d’ajouter des éléments tout en gardant le plaisir de la lecture que l’on ressent avec le roman. Je voulais conserver cette petite musique. En réalité, je n’ai pas coupé grand-chose, puisque les images apportent les éléments d’informations manquantes.



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L’intrigue de la chambre jaune est assez complexe. Est-ce compliqué de ne pas perdre le lecteur ?
J.-C. G. Oui, pour tous les romans policiers, c’est compliqué. Il y a souvent de nombreux personnages, de nombreuses pistes,… Il faut garder le cap et surtout ne pas se perdre avec les quelques flashbacks. Pour tout ce qui est énigme, le lecteur a des tas d’opportunités pour se perdre. J’ai essayé sur la BD de conserver le lecteur au fil des pages avec l’appui des images et des rebondissements. La BD se lit plus vite que le roman que l’on est obligé de lâcher à un moment ou un autre. À nous, auteurs, de ne pas perdre le lecteur en route, mais il est évident que face à une accumulation d’indices, de dialogues et de rebondissements, c’est un aspect délicat, mais passionnant.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

Le Mystère de la chambre jaune, une aventure de Rouletabille » de Jean-Charles Gaudin et Sibin Slavkovic. Soleil. 11,90 euros.

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