Fane: « Une référence ciné ? Tarantino ! »

Auteur de « Joe Bar Team », Fane fait à nouveau chauffer les moteurs avec « Streamliner », une formidable histoire de course en plein désert entre des concurrents tous aussi fêlés les uns que les autres. Dessiné avec un trait réaliste, ce western mécanique régale par ses cadrages très cinématographiques.

streamliner_t1_couve_ok_hd.jpgComment est née cette idée de course dans le désert ?
Fane. J’adore l’ambiance des garages, la mécanique, les vieilles bagnoles et les vieilles bécanes infernales à piloter mais bourrées de caractère. De même, je suis attiré par les « vieux » endroits plein d’Histoire, de « patine », les vieilles gloires ou personnages légendaires et souvent un peu pathétiques comme l’histoire des États-Unis en regorgent. Entre les westerns de mon enfance, la magie des Hot Rods et des gangs d’après-guerre, la photogénie des lieux mythiques comme la 66 road ou le lac salé de Bonneville, il y avait de quoi faire.



Après une introduction qui fait penser à « Mad Max », on découvre un univers très western, mais sans y trouver de références évidentes. C’est effectivement le cas où nous n’avons pas les bonnes références ?


F. C’est marrant, je ne vois pas trop le rapport avec « Mad Max » et tu n’es pourtant pas la première personne qui me dit ça. Ça n’est pas post-apocalyptique du tout. Au contraire, c’est plutôt tourné vers un certain passé ! Je n’ai d’ailleurs pas trop compris pourquoi Miller avait foutu des Ford 32 dans son dernier opus. Non, si je dois avouer une référence ciné, c’est davantage Tarantino. Après, il faut fouiller dans les trucs un peu cultes avec Brando, Dean, Eastwood, Hooper et Fonda.



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Il y a beaucoup de personnages secondaires et d’histoires qui se croisent dans « Streamliner »…
F. Ça aussi, c’est très Tarantino. Mon idée n’était pas vraiment de faire une BD de bagnoles, mais plutôt de faire vivre des individus qui s’en servent comme vecteurs dans leur quête de liberté, comme les motards d’avant, ou encore les jeunes des années 60. Il ne s’agit plus de véhicule ; c’est une monture, un cheval, un prolongement de soi. C’est un western. Les « cowboys » sont en diligences et les Indiens en motos. Ce qui m’a fait plaisir, sur ce bouquin, c’est de développer les différents personnages, tous un peu marginaux, fêlés, avec une histoire chaotique, mais qui n’en sont pas moins, je l’espère, attachants.

On peut être surpris de voir presque tous ces motards accepter avec plaisir de répondre aux questions de la télévision. Est-ce un moyen de mettre un petit tacle à un soi-disant esprit rebelle ?


F. Ces pilotes de Hot Rods et de motos sont des parias, des chauffards, méprisés par la société et pourchassés par les autorités. Dans l’histoire, ces pauvres types (et gonzesses) ont pour une fois l’occasion d’être entendus. On leur tend un micro et ils deviennent les « stars » du jour, sans se rendre compte, pour la plupart, que leur image est manipulée. Alors, ils sont contents et s’expriment enfin. Tu en verras davantage dans le tome 2 et tu comprendras (sourire)…



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Est-ce plus excitant de dessiner ces bolides avec un trait réaliste bien différent du « Joe Bar Team »?
F. C’est tout aussi sympa, dans un autre registre. L’avantage, dans ce genre de bouquin où tu peux beaucoup plus prendre tes aises, en termes d’espace, c’est que tu peux davantage aller chercher des cadrages « cinéma », là où la BD d’humour t’oblige à des choix exclusivement efficaces.



Ce premier tome se termine au départ de la course. Elle se déroulera sur les 150 pages du deuxième et dernier tome ?
F. Oui. À l’origine, j’avais « pondu » cette histoire d’un seul trait, sur près de trois ans, avec l’idée d’un gros one shot noir et blanc. Quelque chose de très « rock », sans concession. Elle a finalement été divisée en deux et colorisée pour la rendre plus accessible. Du coup, la « coupe » s’est imposée d’elle-même au milieu du « film », sur la ligne de départ, avant le carnage et tout ce qui s’en suit… qu’on découvrira dans le tome 2 en septembre prochain. La grosse pagination m’a permis de développer encore plein de choses sur l’univers et les personnages. Il a fallu quasiment m’assommer pour ne pas en faire davantage !

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Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« Streamliner, tome 1. Bye-bye » par Fane. Rue de Sèvres. 22,50 euros.

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